“Les guerriers de l’hiver” de Olivier Norek
« Imaginez un pays minuscule, imaginez-en un autre gigantesque. Imaginez maintenant qu’ils s’affrontent ».
Nous ne sommes pas en Ukraine en 2022 mais en 1939 en Finlande.
En novembre 1939, à des fins politiques de prise de contrôle de territoires, la Russie de Staline imagine un conflit rapide et efficace avec son petit voisin, la Finlande. Histoire de lui prendre par la force ce qu’elle refuse de lui céder par traités. Elle n’en fera qu’une bouchée, c’est l’histoire de quelques semaines, jure-t-elle.
Mais c’est sans compter sur la réalité du terrain, la morsure de l’hiver avec des températures à –50°, et surtout, sur l’opiniâtreté, la fierté, l’amour de leur jeune nation indépendante depuis seulement vingt ans, que les Finlandais défendent avec beaucoup d’intelligence jusqu’au bout de leurs forces.
Le décor est planté dans les forêts finlandaises nappées de blanc, neige et glace mêlées. Y figurent Simo Häyhä, lauréat du championnat national de tir des Gardes civiles de Finlande et ses amis Onni, Toïvo, Pietari, tous paysans le jour et tireurs d’élite le soir, une manière de se divertir, de parcourir le pays au gré des concours de tirs. Ils tuent du gibier, un peu, pas trop, juste pour se nourrir. Jamais ils n’auraient imaginé devoir tuer pour sauver leur peau.
C’est pourtant dans ces forêts qu’ils connaissent par cœur, qu’ils vont affronter les soldats russes pendant trois mois de combats sans trêve connus sous le nom de « guerre d’hiver ». À leur avantage la parfaite connaissance du terrain, les astucieux stratagèmes de camouflage grâce à leurs uniformes blancs, les déplacements rapides à ski, les ordres pragmatiques et réfléchis des officiers, leur désir d’en découdre aussi. À leur désavantage, le nombre, le matériel sophistiqué des envahisseurs et la solitude. La mollesse avec laquelle la France et la Grande-Bretagne prennent des décisions… qui fait que le conflit sera terminé avant qu’elles n’agissent.
Mais dans la forêt épaisse trouée par des lacs gelés, là où circule un véhicule léger, un char soviétique peine ou coule sous la glace qu’il écrase. Là où le moral des troupes est sans faille, dans le rang adverse, la peur de déplaire au Chef Suprême fait commettre des erreurs de débutants sur le terrain. Ou des absurdités : « Je ferai en sorte que nos régiments soient accompagnés d’un orchestre pour célébrer les victoires les unes après les autres jusqu’à la capitale, car après tout… Ce n’est que la Finlande. »
Les revers de médailles que subit l’Armée rouge irritent Staline, la honte devrait l’anéantir mais il s’obstine. Il gagnera bien entendu, mais Hitler n’est pas dupe et saura se souvenir de cette piètre victoire…
Toute la puissance et la force du roman tient dans la construction du récit et la maîtrise de l’auteur connu pour ses romans policiers. Des chapitres courts, des allers-retours dans les tranchées finlandaises et russes ; dans les bureaux des états-majors ou dans les expéditions nocturnes ; des conditions de vie à la limite du supportable, très minutieusement décrites ; la rudesse du climat sans cesse évoqué. « Il était debout, immobile comme tout tireur d’élite se doit de l’être, dissimulé derrière le large tronc d’un pin sylvestre, le long canon de son fusil recouvert de gaze blanche posé sur une branche pour éviter la fatigue, mais lorsque la balle le toucha en plein torse, celui-ci ne bougea pas d’un centimètre. Gelé comme la pierre, l’ogive ne le traversa même pas » ; tout contribue à mettre le lecteur au cœur de l’action et en osmose avec les protagonistes.
Le roman est en cours de traduction dans de nombreuses langues, dont le finnois (site CultureTops).
L’auteur est lauréat du Prix Jean Giono 2024.
Les guerriers de l’hiver
Olivier Norek
Éditions Michel Lafon (2024)









