FESTIVAL DU LIVRE DE SÈTE

16e AUTOMN’HALLES

DU 24 AU 28 SEPTEMBRE 2025

Vous avez été nombreux

à nous envoyer vos nouvelles,
découvrez ici les 4 gagnants.


Les 4 nouvelles récompensées sont à découvrir dans un recueil édité par Les Automn’Halles et disponible en téléchargement gratuit ici.


LE BLOG DES AUTOMN’HALLES

par Claude Muslin 28 avril 2025
Comme un ressac, l’auteure nous ballotte de mer en mer. De plage en plage. De l’Atlantique à la Méditerranée. Sous l’eau, dans le huis-clos poisseux d’un sous-marin porteur de missiles nucléaires de la Royal Navy ; hors de l’eau, à l’air pur, sur les plages de Bretagne et de la côte catalane. Adrian Ramsay, la quarantaine, une des premières femmes à embar quer sur « ces grosses bêtes aussi appelées SNLE pour Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins » —dont la vocation de sous-marinière s’est vu confirmée par le « plaisir amniotique » qu’elle a pris au moment de la dilution, quand le sous-marin plonge— entame une première vie « les carrières de sous-mariniers étant courtes » avant de revenir dans le monde des vivants, où une seconde vie, bien différente, l’attend. Dans la première partie du roman, Adrian Ramsay ne songe qu’à une chose : « évoluer dans les profondeurs » . En tant qu’experte en acoustique, devenue « oreille d’or » , elle est un membre incontournable de l’équipage. Dans la seconde partie du roman, elle redevient la jeune femme solitaire, fille unique d’un père veuf vaincu par la maladie, qui n’a rien construit « qui ressemblât à une vie affective » , qui « choisissait ses amants de passage dans l’obscurité trouble des pubs ». Jusqu’au jour où… Sa vie bascule le jour où elle rencontre deux hommes. Arthur, plongeur scientifique à la station biologique de Roscoff et photographe amateur du fond des abysses et Abel, le fils aveugle de son patron Paol. Arthur va aider Abel par affection pour son patron, sans savoir que cet engagement va bouleverser sa vie, celle de son protégé, et celle d’Adrian. L’écriture du roman frise la poésie, s’attache à transcrire, par le menu, la vie dans un sous-marin. Scrute les sentiments des protagonistes, entre dans les retranchements humains comme le bateau s’enfonce dans la mer. C’est un morceau de bravoure que ce roman ponctué par des références historiques, littéraires, mythologiques ; des citations d’auteurs emblématiques des profondeurs comme Jules Verne ou Herman Melville. Par touches. Sans alourdir le récit. Romancière, poétesse, dramaturge, nouvelliste, traductrice ; récompensée par de nombreux prix, Emmanuelle Favier a plusieurs cordes à son arc. Son arc narratif bien entendu . Écouter les eaux vives Emmanuelle Favier Éditions Albin Michel (2025)
par Marie-Ange Hoffmann 23 avril 2025
Romain Potocki, grand reporter, journaliste, réalisateur et photographe—invité des Automn’Halles en 2013 pour son premier ouvrage L’homme itinérant —nous livre son premier roman qui s’annonce sur le bandeau comme « un petit miracle de style, d’humour et d’émotion » . Le lecteur en aura la confirmation. Le roman commence par un court prologue dont le premier mot « librairie » campe le lieu phare du récit et on devine instantanément son importance. Un homme revient sur ce lieu et trouve la librairie Sophie fermée. Pourquoi, qui est cet homme et quid de cette librairie ? Et le titre du roman ? Retour au passé, l’histoire peut commencer, racontée avec son propre langage par un adolescent de banlieue précaire et mal famée. Son mal-être s’aggrave par une sorte d’infirmité de parler qui le force à s’enfermer dans une solitude malsaine. Il entretient avec sa mère, qui n’a pas sa langue dans sa poche et ne rate pas une occasion de l’enfoncer encore plus dans son trou noir, une relation complexe dénuée d’amour et de tendresse. Il est la proie des moqueries des autres jeunes ; son monde est pour lui un enfer. Heureusement, il y a le toit de son immeuble au-dessus de ses 22 étages, auquel il a accès grâce au gardien de l’immeuble qui lui en a confié les clés. Ce personnage est la première « bonne fée » du récit. Que fait-il sur ce toit ?— Tu peux pas imaginer comment c’est haut, le toit du monde. Et surtout comment c’est grand… De l’air partout… du silence aussi… Et en dessous ma cité, comme jamais je l’avais vue. Et la mer, là-bas, à l’autre bout d’la ville…c’était ouf ! —il cultive du cannabis, loin des dealers du quartier. Sa mère tombée gravement malade, il doit trouver de l’argent. C’est alors qu’une autre bonne fée entre dans sa vie en la personne de Sophie la libraire, figure hors du commun, un peu déjantée, rompue aux malheureuses vicissitudes de la vie, mais d’une immense générosité de cœur et d’esprit. Elle ouvre les yeux de l’adolescent au monde totalement nouveau pour lui de la littérature et de l’amitié vraie. Elle sent chez lui des capacités et met tout en œuvre pour l’aider à s’émanciper de son malheur. Grâce à elle, l’adolescent découvre le pouvoir phénoménal et irrésistible du livre. À un certain moment, on apprend qu’il s’appelle Robert, prénom parfaitement inadapté à lui, l’enfant à la peau basanée, alors il prend le surnom de Tistou, nom d’un héros de livre d’enfant. Et ce Tistou les pouces verts l’inspire pour bâtir son jardin suspendu sur le toit de sa cité : il y sème des fleurs de toutes sortes et le miracle de la fascination se produit. Elles sont pour lui source de bonheur et de beauté. Mais aussi source d’ennui car elles sont l’enjeu d’un deal avec Jo El Ghaïd, le caïd du quartier, qui lui permet de faire commerce avec ses fleurs, mais pas avec la drogue dont il garde le monopole. Et Tistou, dans une espèce de naïveté, poussé par le courage du désespoir, se jette dans le combat contre la misère et la violence, jusqu’à risquer sa peau ou même sa vie, il y perd un pouce pour commencer. Mais son attirance pour son jardin—un espace de liberté et de créativité—et pour la librairie—une rencontre avec la littérature et des personnages cabossés à l’esprit libre et fantasque—lui donne espoir et réconfort. Toutes ces figures loufoques qui fréquentent la librairie atypique sont très attachantes, à commencer par Sophie la libraire anticonformiste, au milieu de cet endroit où y avait un truc comme sacré ; devant Sophie qui savait vraiment bien écouter , lui le bègue, il ose se lancer dans le vertige des mots. Il y a aussi Moustache, l’ancien légionnaire exerçant la profession de jardinier, qui se révèlera un véritable ami prêt à tout pour sauver Tistou. L’auteur réussit avec sincérité et des mots simples qui sonnent juste à faire évoluer tous ces personnages sur le chemin difficile de l’apprentissage de la vie, en équilibre précaire entre la rudesse de la réalité et la poésie, entre la nécessité de survivre et le rêve. Des plantations florales aux expériences de lectures, d’émerveillements en déceptions, de victoires en défaites, Tistou apprend à résister : « Un autre monde est possible » ; et son horizon s’élargit. Son esprit aussi. Particulièrement touchante est la transformation de sa relation avec sa mère malade, qui, de la rudesse originelle atteint enfin la tendresse et le dévouement, dans l’intimité et le partage. C’est par la lecture d’un extrait de Le monde commence aujourd’hui de Jacques Lusseyran que le fils et la mère nouent enfin le fil de l’amour : J’sais pas comment j’le savais, mais cette nuit-là je pourrais le jurer, ma daronne m’a dit merci . D’introspections personnelles en dialogues incisifs jouant d’humour et d’émotion, la magie du récit opère, entrecoupé d’interludes poétiques comme des respirations salutaires entre les avalanches de mots et d’idées qui se bousculent et cherchent la lumière. Le roman évite l’écueil de la caricature par la justesse et la sensibilité de l’écriture. Tout simplement bouleversant ! Le jardin dans le ciel Romain Potocki Éditions Albin Michel (2025)
par Florence Monferran 22 avril 2025
Une auberge au bord des falaises près de Bristol (Angleterre), un adolescent auquel son père mourant lègue le seul livre qu’il n’ait jamais lu, un vieux loup des mers lui confiant, entre les pages, une mystérieuse carte… Et nous voilà plongés dans une réinterprétation de l’œuvre de Robert Louis Stevenson, L’île au trésor . Rhys Landor, le jeune héros, s’imagine en Jim Hawkins. Il gagne seul un Bristol intemporel qu’aucune référence datée ne rattache au réel. Il retrouve un médecin charitable, le Dr Pingleman. Ce dernier l’entraîne dans son rêve fou d’embarquer sur une réplique de l’ Hispaniola . Le navire mythique de Stevenson, créé pour les besoins d’un film par son ami cinéaste William Bostry, va bientôt prendre le large. La nasse se resserre sur nous alors que l’aventure prend doublement corps. L’écrivain nous plonge dans l’illusion où comédiens (faux marins) et figurants (vrais contrebandiers des mers) s’entremêlent. Le présent et le passé, réalité et rêve se confondent, comme l’affectionne Hubert Haddad, à différents niveaux (livre de Stevenson dans son livre, film dans le livre). « Rhys vivait dans un monde redoublé d’un grand miroir de mots » glisse l’auteur. En effet, le récit avance en des jeux de miroirs, comme les deux navires, l’ Hispaniola et le Reckless , chargé de le filmer. De prime abord, le roman réveille nos souvenirs enfantins, l’émerveillement des premières lectures, l’imagination toutes voiles dehors. Le foisonnement des descriptions et des personnages sortis de L’île au trésor et du livre nous y incite, dans un rythme enlevé. Des rebondissements à multiples détentes, quand on croit suivre le chemin du trésor, nous perdent jusqu’au final, dont nous ne divulguerons rien. Mais le récit s’emballe, le suspense s’accélère dans la seconde partie du roman, reléguant la recherche du trésor au second plan. Nous voici saisis par « la danse ensorcelée des ouragans » , tempête des éléments et déchaînements humains, quand les masques tombent en même temps que les cargaisons clandestines. L’humour, présent dans la constitution des personnages et des scènes, avec le capitaine Frog, le lieutenant Memory, le Cyclope, Poing-Clos ou Pretty Fox, vire au sombre, au très sombre. Peut-être le héros, double rêvé de Jim Hawkins, cherchait-il aussi à retenir entre les pages, comme la carte glissée par le Contre-amiral de la Pêche-aux-clous, le fantôme de ce père disparu, nous emportant dans sa quête initiatique à travers la mer d’Irlande. Avec l’innocence victorieuse de Rhys, c’est le pouvoir de l’imagination qui triomphe des combats maritimes et intérieurs. Depuis cet ouvrage, paru en 1994, que les Éditions Zulma ont eu la bonne idée de rééditer en collection de poche, Hubert Haddad a tracé son chemin en quelques récits majeurs, couronnés par un Grand Prix de littérature de la SGDL (2013) . Meurtre sur l’île des marins fidèles Hubert Haddad Éditions Zulma (2024)
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